dimanche 23 janvier 2011

La vieille penchée

Les jours de pluie derrière la fenêtre
Son regard ancien transperce les gouttes
Elle imagine des brins de vie pour les passants égarés
Leur invente des destinations insolites
Et elle penche la tête pour mieux voir les grenouilles
Sur ce parapluie

Les jours de soleil elle arpente elle-même les rues
Le dos rond comme ses yeux ébahis
Devant la stupidité des hommes
Depuis toutes ces années elle a capitulé
Le monde pourrait crever
Sous le poids des phoques et du thon rouge
Elle penche peu à peu du côté où elle va tomber

Un jour d'hiver à mi chemin entre novembre et mars
Elle se penche à peine
Pour ramasser sur le trottoir
Une feuille de platane survivante
Étrange réminiscence des chutes automnales
Et elle se relève à peine
L'air satisfait elle reprend sa pénible marche
Déjà un peu ailleurs elle promène sa bosse

mardi 18 janvier 2011

une feuille

une feuille sur un lac
une feuille toute verte
une feuille qu'on croirait perdue
mais une feuille en balade
caressée par des légers frémissements
emportée de l'autre côté
de l'autre côté

une feuille sur un lac
une feuille libre
détachée de sa famille
mais non déracinée
une feuille qui se rappelle
car de ses nervures l'irisant
pulse la sève d'antan

une feuille sur un lac
une feuille en voyage
partage ses souvenirs
poursuit son chemin
en compagnie d'autres feuilles
aux formes et couleurs variées
des feuilles d'autres lieux
mais partageant la même terre

une feuille sur un lac
va se poser sur une berge
de l'autre côté
de l'autre côté
le soleil est toujours présent
réchauffant sa frêle découpe
la petite feuille se sent libre
libre comme dans des contes d'enfants

jeudi 13 janvier 2011

La voix étroite

J'entends parfois une petite voix
Qui résonne
Qui raisonne
D'un son cristallin elle m'évoque
Des souvenirs oubliés
Des souvenirs à venir
Avec des mots doux elle me sourit
M'invite à m'adosser à la raison
À laisser quelques rêves de côté 
Et à aimer complètement

J'entends parfois une petite voix
Qui résonne
Qui raisonne
Sa douce rigueur montre du doigt
Ce qui dépasse ce qui ne va pas
Fait rimer liberté avec responsabilité
Et les remords s'amoncellent
Laissant à cette vie à ces envies
La saveur d'un pain sans sel

J'entends parfois une petite voix
Qui résonne
Qui raisonne
Elle me dit que les pertes de temps sont inutiles
Que tout doit briller doit être impec
Qu'à l'utile il faut joindre l'utile
Et que l'agréable ne vaut pas un copec
Sa réalité me fait pleurer
Et je pleure et je pleure

J'entends parfois une petite voix
Qui résonne
Qui raisonne
Et ce que j'en retiens
Ce qui motive mes lendemains
Ce sont ses déformations hasardeuses
Ses hésitations répétitives
Ce que j'aime dans cette petite voix
C'est ce qu'elle a de plus beau
Ce qu'elle ne sait maîtriser
Ce qu'elle a en horreur
Son écho

dimanche 9 janvier 2011

Mouton du désert

Désert,
En quoi pourrais-tu apaiser mes douleurs,
Saurais-tu, dans ton sable, absorber mes pleurs,
Salés à peine, simples gouttes de rosée,
Irisés à ton soleil, brillants, comme étoilés.
Nul besoin pour moi de te parcourir.
En moi, dans mon cœur, tu vis en souvenir,

Mouvant et fixe à la fois,
Offrant tes mystères à nul autre que moi,
Intimiste malgré ta grandeur,

Un et unique dans toute ta splendeur,
Nouant entre l’homme et son âme un lien insoupçonné.

Me demander ce jour ce que tu peux me donner,
Oublier en même temps ce que je dois t’apporter :
Une âme, un cœur, un corps. Une pensée.
Tu sais bien pourtant qu’on les a fait souffrir.
Offenses et oublis n’ont su que m'affaiblir.
Nouveaux espoirs et nouveau départ : merci, Désert, de me les offrir.


Auteur : Jules

mercredi 5 janvier 2011

marinade de vie...

En rade de ports d'attache
je ne m'attache, ride d'apaches
je rôde de part en part
pas à pas, je traverse
versant des larmes à l'âme
vagues d'âme en rames
rameur rimant mon désarroi
désert du roi-rat
nausées des bas fonds
n'osant rien au fond
je fonde ma raison
sur un rez de chaussons
pantouflard amanite
dynamite amorphe
Morphéus, tu es mon étoile
je file vers toi
tu me files une soie
cocon mortuaire
mort tel le sphinx entêté
je m'envole encore et encore
corps en accord
en accord de temps
plus qu'il ne m'en faut
pour m'attacher
vers un nouveau port
port d'attache...

samedi 1 janvier 2011

Orages amers

Des oranges amères s'entassent sous la voûte
Un sentiment de rejet les emprisonne en ces lieux
Rien n'est gratuit chaque jour il faut payer
Rien n'est facile chaque seconde il faut veiller
Une brise céleste amène une impression de mieux
Mais restent toujours toutes ces gouttes de doute

Une bonne petite vie de frustrations mesurées
Des rames par milliers pour les galères quotidiennes
Et de la misère en veux-tu en voilà
Et de l'amie d'hier un vœu que tu vois là
Tout est réglé en deçà des pauses méridiennes
Du rouge se noie dans ces notes azurées

Des miracles insolubles inondent les rives oublieuses
Des cygnes se prosternent la tête haute
Rien de bien nouveau les aveugles sont rois
Rien de bien ne vaut cet immense désarroi
A la cime des victoires les lauriers que tu ôtes
Assombrissent le silence d'amours impérieuses

Subitement le froid descend sur les épaules des sages
Point de pensées pour peupler les interstices inopinés
Des routes sillonnent des possibilités étroites
De tout ce qui carillonne la futilité des droites
Pose des jalons étranges en terrain miné
Une orange à la main tu te fraies un passage